Dans ma pratique de sculpteur de grands bois, j'éprouve que la fouille de chaque bois, par gouges et ciseaux en taille directe à main levée, rencontre et met au jour les lignes de force qui habitent ce fragment d'arbre, enfourchure, racines ou fût; ces lignes sont l'inscription mémoire des aléas de sa vie, de ses croissance et développement, de sa première germination à son abattage, voire au-delà, et c'est dans cette lecture de son histoire que je perçois les présences d'esprits qui l'auront habité, ils y auront vécu ces flux vitaux que je dois donner à lire. Ces apparences, évocations ou fragments de formes humaines, exhumées, nous rendent sensible ce parcours de l'être végétal qui habitait la texture vivante, nous disent l'histoire des esprits qui hantaient croissance et mort de sa matière, elles sont autant d'éléments du langage de notre regard humain sur le monde, des lettres de notre alphabet sensible. Mais peut être ces esprits n'avaient-ils pas forme humaine au naturel et ne s'agit-il que de projections anthropomorphes métaphoriques !
Cette improbable chorégraphie esquissée par ces bois, en équilibre au bord du regard ouvert, ouvre au passage vers d'autres espaces